
Le Kolektif Reparasyon Avansman Kreol (KRAK) a franchi une nouvelle étape dans son combat pour la dignité et la reconnaissance des Créoles mauriciens. Dans une pétition adressée au Président du Parlement panafricain, Chief Fortune Zephania Charumbira, l’organisation met en lumière les violations historiques et actuelles des droits humains subies par la communauté créole, descendants des esclaves africains amenés de force à Maurice.
Cette démarche s’inscrit dans le thème 2025 de l’Union africaine : « Justice pour les Africains et les personnes d’ascendance africaine à travers les réparations. »

Les principales revendications du KRAK
1. Reconnaissance officielle du peuple créole mauricien comme une communauté ethnique distincte, avec le droit de s’auto-identifier dans les recensements et documents publics.
2. Abolition immédiate de la catégorie “Population générale”, jugée discriminatoire et héritée du colonialisme.
3. Mise en place de mécanismes inclusifs, à l’image de la CARICOM Reparations Commission, afin d’assurer la participation active des Créoles dans les programmes de réparation et de développement, notamment en lien avec les recommandations de la Truth and Justice Commission (2009-2011).
4. Collecte et publication de données ethniques transparentes, permettant de mesurer les inégalités et d’y apporter des solutions concrètes.

📜 Une histoire marquée par l’effacement et l’injustice
Le KRAK rappelle que les ancêtres des Créoles furent les premiers habitants libres de Maurice après le départ des Hollandais en 1710, avant d’être violemment soumis à la domination française et britannique. L’esclavage, suivi de l’« apprentissage » imposé après l’abolition de 1835, a laissé des cicatrices profondes : pauvreté structurelle, marginalisation politique et sociale, et absence de reconnaissance identitaire.
La Commission Vérité et Justice (2009-2011) a déjà documenté ces injustices et proposé plus de 300 recommandations, restées lettre morte. Parmi ses constats : exclusion économique, discriminations dans l’accès à l’emploi et sous-représentation des Créoles dans les sphères de pouvoir.
Le KRAK souligne que cette marginalisation n’est pas une page tournée, mais une réalité quotidienne qui fragilise encore la cohésion sociale du pays.
Mémoire vivante et résistance culturelle.
La lutte des Créoles ne se limite pas aux textes officiels : elle vit dans la mémoire, la culture et la musique. Depuis le combat de Sans Souci en 1739, brûlé vif par les colons français, jusqu’aux révoltes modernes comme celle de 1999 après la mort de Kaya en détention policière, la communauté n’a cessé de résister.
Des artistes comme Billygane, avec sa chanson « Ki Zot Problem ? » sortie en 2024, expriment encore aujourd’hui le refus de subir l’effacement identitaire et les discriminations systémiques. Le séga et le seggae demeurent des vecteurs de mémoire et de revendication.
📍 Un geste symbolique à l’Aapravasi Ghat.
Pour marquer cette démarche historique, des membres de la communauté créole se sont rendus à l’Aapravasi Ghat, à Port-Louis, classé patrimoine mondial de l’UNESCO. C’est là que des milliers d’engagés et d’esclaves furent débarqués autrefois.
Ce geste fort rappelle que la mémoire de la souffrance et la lutte pour la dignité demeurent vivantes et indissociables de l’histoire mauricienne.